Neuf mois avant l’Euro : retour sur 1983 et 2003

Publié le 4 septembre 2023 - Bruno Colombari - 4

Les Bleus peuvent flamber à l’automne et caler en juin, ou inversement, souffrir en octobre et triompher en été. Démonstration avec l’étude des saisons 1983-84 et 2003-04.

5 minutes de lecture

Nous voici donc engagés dans une saison qui se terminera par un championnat d’Europe. Si tout va bien, ce sera le neuvième consécutif auquel les Bleus participeront.

D’ici là (le tournoi aura lieu en Allemagne du 14 juin au 14 juillet, date intéressante pour une finale), il y a tout de même une saison à jouer, et une qualification à aller chercher, comme le répète avec raison Didier Deschamps. L’actuel sélectionneur a payé pour voir ce que ça faisait de fêter l’accès à une phase finale avant l’heure, et c’était il y a tout juste trente ans.

Le calendrier de l’équipe de France comporte encore des trous en mars et début juin 2024, mais six dates sont déjà connues : les 7 et 12 septembre contre la République d’Irlande et l’Allemagne (à Dortmund), les 13 et 17 octobre contre les Pays-Bas (à Amsterdam) et l’Ecosse, et les 18 et 21 novembre face à Gibraltar et la Grèce (à Athènes). En cas de qualification directe, les Bleus retrouveront l’Allemagne en amical à Lyon, probablement le 22 mars 2024. Les trois autres matchs amicaux ne seront calés qu’une fois effectué le tirage au sort du premier tour de l’Euro, le 2 décembre 2023.

Une préparation dès novembre ?

Il y aura donc une dizaine de matchs à jouer d’ici l’Euro, dont six amicaux, lesquels se font de plus en plus rares. Si les Bleus obtiennent leur qualification dès le mois d’octobre, ce qui semble jouable, les deux matchs de novembre serviront eux aussi à préparer l’Euro, ce qui laisserait pas moins de six rencontres à Didier Deschamps pour peaufiner les automatismes. Un luxe qui avait fait défaut au sélectionneur l’an dernier puisqu’il n’y avait pas eu le moindre match de préparation avant la Coupe du monde au Qatar.

En remontant dans l’histoire des Bleus pour chercher des situations similaires, deux saisons viennent spontanément à l’esprit : la première est celle qui s’est terminée en apothéose, 1983-1984, la neuvième et dernière de Michel Hidalgo. Mais elle ne comptait aucun match de compétition, puisque la France était qualifiée d’office en tant que pays organisateur de l’Euro 84. Et il n’y a eu que sept matchs à disputer entre septembre 1983 et le début de l’Euro.

L’autre occurrence, plus proche dans le temps, devrait donner plus de similitudes avec la saison à venir. Il s’agit de 2003-2004, avec une qualification déjà bien engagée (cinq victoires sur cinq), une défense solide et une attaque puissante, qui va cependant s’éteindre à l’approche de l’Euro. Lequel débouchera sur une énorme déception. Comme quoi, une saison ne dit rien sur ce que donnera une phase finale.

1983-84 : chi va piano va lontano

La rentrée 1983, la dernière de Michel Hidalgo avec les Bleus, est marquée par une découverte qui aura son importance : le gardien auxerrois Joël Bats, bien revenu après avoir guéri d’un cancer en 1982. C’est le dixième gardien essayé par Hidalgo en sept ans, et celui-là sera le bon. Et pourtant, ses débuts à Copenhague contre le Danemark sont ratés, puisqu’il encaisse trois buts, et encore un en octobre contre l’Espagne. C’est beaucoup, mais Hidalgo lui maintient sa confiance et il fait bien puisque Bats va enchaîner sept clean sheets, une série record qui tiendra près de vingt ans.


 

Les trois derniers matchs de 1983 ne sont pas franchement encourageants, puisqu’après la défaite contre le Danemark (1-3), les Bleus calent à domicile devant l’Espagne (1-1) et font encore un nul bien triste à Zagreb contre la Yougoslavie (0-0). Les Français ne le savent pas encore, mais ils viennent de jouer contre trois de leurs cinq adversaires à l’Euro, sachant qu’ils ont rencontré les deux autres plus tôt dans l’année (Portugal, 3-0 et Belgique, 1-1). 



Le début de 1984 sera bien meilleur : l’équipe de France domine trois protagonistes qui ne sont pas qualifiés, que ce soit l’Angleterre en février (2-0, avec un Platini étincelant), l’Autriche en mars (1-0) et l’Ecosse début juin (2-0). Et comme entre temps, elle s’est offert un succès de prestige contre les vice-champions du monde et champions d’Europe en titre allemands (1-0 sans le trio Tigana, Giresse et Platini), on se dit que cette fois pourrait bien être la bonne… D’autant que l’Euro qui se jouait à huit se passait de poids lourds comme l’Italie, l’URSS, les Pays-Bas, l’Angleterre et la Pologne, ce qui fait beaucoup.

La montée en puissance du début d’année débouchera sur un tournoi pas toujours maîtrisé derrière (les Bleus sont menés au score contre la Yougoslavie et surtout face au Portugal en prolongations lors de la demi-finale) mais éblouissant au milieu : le carré magique version Fernandez (qui a pris la place de Genghini) est encore plus fort que celui de 1982 et propulse Platini dans la stratosphère (9 buts en 5 matchs, deux triplés consécutifs et Ballon d’Or à la quasi unanimité du jury).


 

2003-2004 : rien ne sert de courir...

Vingt ans plus tard, le contexte est complètement différent. Le sélectionneur, Jacques Santini, vient de finir sa première saison par une victoire en Coupe des Confédérations et un carton plein en qualifications pour l’Euro 2004 avec cinq victoires contre Chypre (2-1, la Slovénie (5-0), Malte (4-0 et 6-0) et Israël (2-1). Aucun point perdu, dans un groupe facile, ça vous rappelle quelque chose ? 



Mais en 2003, les Bleus ne viennent pas de perdre une finale mondiale aux tirs au but. Ils se remettent doucement d’une terrible défaillance en Corée du Sud, quinze mois plus tôt, où ils partaient pour conquérir une deuxième étoile et sont revenus prématurément avec un zéro pointé (un seul point pris, aucun but marqué, deux défaites). Certains Bleus ont quitté la sélection dans la foulée du fiasco (Lebœuf, Boghossian, Djorkaeff, Dugarry, Karembeu) et il s’agit de reconstruire en s’appuyant sur Barthez, Thuram, Desailly, Vieira, Zidane, Henry, Pirès ou Trezeguet.

Le début de saison est parfaitement négocié avec une victoire en Suisse en amical (2-0) puis trois succès sans problème contre Chypre (5-0), Slovénie (2-0) et Israël (3-0) qui achèvent le travail en qualifications. Huit sur huit, comme en 1990-91. L’année se termine par un gros match amical… en Allemagne, où l’on prépare une équipe pour la Coupe du monde 2006. La Mannschaft de Kahn, Ballack et Klose tient le choc pendant vingt minutes puis vole en éclats sous les combinaisons parfaites entre Zidane, Henry et Trezeguet (3-0). C’est la treizième victoire consécutive des Bleus de Santini en 2003, après une défaite initiale contre la République tchèque, seule tache au tableau.


 

La série s’achève en février à Bruxelles par une quatorzième victoire contre la Belgique (2-0), et puis la machine se grippe. Les deux 0-0 consécutifs à Rotterdam contre les Pays-Bas et à Saint-Denis face au Brésil pour le centenaire de la FIFA permettent au moins d’étirer la série record (à ce jour) de clean-sheets consécutifs à 11 unités, puisque les deux derniers matchs de préparation sont gagnés (Ukraine 1-0 et Andorre 4-0).

Tout semble aller pour le mieux avant l’Euro portugais, mais la FFF refuse de prolonger le contrat de Jacques Santini avant le tournoi, comme son président de l’époque (Claude Simonet) s’y était engagé en cas de qualification. Santini donne alors suite à une offre de Tottenham, et malgré un bilan quasi parfait (une seule défaite, 3 nuls et 19 victoires en 23 matchs, victoire en Coupe des Confédérations), il annonce qu’il quittera son poste à l’issue du tournoi. Lequel s’arrêtera dès le quatrième match par une défaite méritée contre la Grèce (0-1).

Tout cela pour dire que de même que l’habit ne fait pas le moine, la saison ne fait pas la phase finale. 1983-1984 a commencé de façon médiocre, puis l’équipe est montée en puissance à quatre mois du tournoi. 2003-2004 a débuté de la meilleure des façons, avec une victoire très prometteuse en Allemagne, puis le groupe a vécu sur ses acquis et le sélectionneur a perdu le fil au plus mauvais moment.

Il serait donc très imprudent de tirer des conclusions de la dizaine de matchs qui nous séparent de l’Euro. La vérité de l’automne, ou même du printemps, n’est pas celle de l’été.

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