7 mai 1905, Belgique-France : la première défaite des Bleus

Publié le 7 mai 2025 - Richard Coudrais

Le dimanche 7 mai 1905, l’équipe de France dispute à Bruxelles le troisième match de son histoire et encaisse sa première défaite. Et quelle défaite ! Avec un arbitre anglais porté disparu et un gardien français qui a un train à prendre...

4 minutes de lecture

En ce printemps 1905, l’équipe de France a tout juste un an d’existence. Elle a disputé sa première rencontre le 1er mai 1904 contre la Belgique, puis a rencontré deux autres voisins au début de l’année 1905 : la Suisse le 12 février 1905 (victoire 1-0) puis l’Angleterre le 7 mars 1905 (défaite 1-5). Mais ce dernier match est tombé dans les oubliettes de l’histoire, la FFF ne l’ayant pas retenu au motif que l’Angleterre n’était pas encore intégrée à la FIFA.

Coupe franco-belge

Le 7 mai 1905, les équipes de France et la Belgique se retrouvent au stade du Vivier d’oie à Uccle et remettent en jeu la Coupe Evence-Coppée, trophée qui avait été partagé par les deux équipes à l’issue du premier match terminé sur un score nul (3-3). Les deux fédérations s’entendent ainsi pour se retrouver à chaque printemps pour un match annuel.

En France, le rendez-vous est pris très au sérieux. A aucun moment la presse ne parle de “match amical” mais bien de “Coupe franco-belge”. Une semaine avant la rencontre, plusieurs internationaux français sont invités à se rendre à Bécon pour un match d’entraînement contre une équipe du Club français. Seuls cinq d’entre eux sont présents et il faut faire appel aux joueurs du coin pour constituer deux équipes qui se sépareront sur le score de 5-5.

L’équipe de France est constituée par un comité dont Robert-Guérin est la tête pensante. Le national manager doit faire face à l’indisponibilité du gardien Maurice Guichard et la méforme de Joseph Verlet. Il fait appel à Georges Crozier, gardien de l’US Parisienne, et à Émile Fontaine, du Gallia Club, le même qui avait été laissé sur la touche à l’occasion du premier France-Belgique. Celui-ci fera savoir qu’il ne compte pas rejoindre l’équipe de France à Bruxelles et qu’il décline désormais toute sélection.

Gardiens d’Angleterre

Quant à Georges Crozier, il s’agit d’un excellent gardien qui joue depuis plusieurs saisons en Angleterre, dans des clubs mineurs, mais qui a attiré l’attention des dirigeants du club de Fulham. Mais le french goalkeeper a été contraint de revenir en France afin d’effectuer son service militaire. Quand ses permissions lui laissent le temps, il garde la cage de l’US Parisienne.

Pour remplacer Émile Fontaine, le sélectionneur fait appel au Nordiste Henri Moigneu, du RC Roubaix. Quant au capitaine Pierre Allemane, qui fait également son service militaire, il n’obtient pas de permission et est remplacé numériquement par Raymond Gigot.

De son côté, l’équipe de Belgique a peu joué depuis le 1er mai 1904 si ce n’est le 30 avril, huit jours avant son nouveau rendez-vous contre la France. A Anvers, elle a été battue (4-1 après prolongations) contre les Pays-Bas, qui s’adjugent ainsi la Coupe Van den Abeele.

Quand on lui communique la liste des joueurs qui seront opposés à son équipe de France, Robert-Guérin note que le gardien Eric Thornton, gardien du Royal Léopold FC, n’est pas de nationalité belge mais anglais. Si cela ne l’avait pas empêché d’être sélectionné contre les Pays-Bas, ni d’avoir gardé les buts de la sélection belge lors des Jeux olympiques 1900, cela pose un problème au tatillon dirigeant français. La fédération belge accepte alors de remplacer Thornton par Robert Hustin, gardien du RC Bruxelles, tout en manifestant publiquement ses doutes à propos du Français Charles Wilkes, né de parents anglais.

Un arbitre qui arrive en retard

Les joueurs français partent de Paris le matin du match à 8h15. Le train s’arrête à Soissons où embarque le gardien militaire Crozier et arrive en gare de Bruxelles à 12h15. La délégation est rejointe par Adrien Filez, joueur de Tourcoing, qui s’est rendu dans la capitale belge par ses propres moyens. Le début du match étant prévu à 15h30, les internationaux français ont le temps d’apprécier un bon repas avant de se mettre en tenue.

Lorsqu’ils arrivent au stade du Vivier d’Oie, ils découvrent une pelouse détrempée par les intempéries qui se sont multipliées ces derniers jours sur la capitale belge. Le match est maintenu, mais le coup d’envoi tarde à être donné, car l’arbitre, l’Anglais John Lewis… n’est pas encore arrivé. Le referee britannique semble s’être perdu quelque part dans Bruxelles. Après avoir attendu une heure, les deux équipes acceptent de débuter la rencontre avec un autre arbitre, le Belge Rodolphe Seeldrayers.

Les Français arborent leur fameux maillot blanc orné des anneaux de l’USFSA. Les Belges quant à eux portent un maillot satiné composé de trois bandes horizontales aux couleurs du drapeau, rouge, jaune et noir. Un « record de laideur » selon le journaliste Victor Boin quand il rédigera son « Histoire du football en Belgique et au Congo belge » en 1945.

Bien que les Français s’estimaient favoris, ils subissent une domination belge inattendue. Le score est ouvert après un quart d’heure par Camille Van Hoorden. Son coéquipier Pierre Destrebecq double la mise quatre minutes plus tard. Entre-temps est apparu John Lewis qui peut dès lors arbitrer la rencontre.

Un gardien qui part en avance

A la mi-temps, le score est de 3-0, Laurent Theunen ayant marqué à son tour à la demi-heure de jeu. Au retour des vestiaires, Destrebecq marque son deuxième but de l’après-midi et porte le score à 4-0. L’humiliation est complète pour les Français. La suite de la rencontre va devenir cocasse.

Georges Crozier, le gardien français, fait savoir qu’il doit absolument prendre le train de 18 heures pour rentrer à l’heure à la caserne. Il quitte alors le terrain après l’heure de jeu, et c’est le capitaine Fernand Canelle qui termine la rencontre devant la cage. Les Belges en profitent pour inscrire trois nouveaux buts et porter le score à 7-0. La défaite est douloureuse pour des Français qui avaient envisagé de revenir victorieux.

Avec le terrain à la limite du praticable, l’arbitre en retard et la désertion du soldat Crozier, cela fait beaucoup pour la délégation française. Robert-Guérin estime alors être en mesure de faire rejouer le match. L’idée se perdra finalement dans l’euphorie du banquet d’après-match. Ce 7 mai 1905, la France a donc officiellement enregistré la première défaite de son histoire. L’équipe belge, quant à elle, a signé sa première victoire.

Uccle, stade du Vivier d’Oie, le 7 mai 1905
Belgique bat France 7-0
Buts : Van Hoorden (15’), Destrebecq (19’), Theunen (30’), Destrebecq (55’), Van Hoorden (70’), Theunen (80’), Destrebecq (86’).
BELGIQUE : Hustin - Poelmans, Moreau - Raemaekers, De Decker, Van Hoorden - Tobias, Theunen, G.Vanderstappen, Destrebecq, C.Vanderstappen.
FRANCE : Crozier - Canelle (cap), Moigneu - Nicolai, Royet, Wilkes - Gigot, Mesnier, Garnier, Cyprès, Filez.
Arbitre : Rodolphe Seeldrayers (Belgique) puis John Lewis (Angleterre)
500 spectateurs
NomÂgePosteSelClub
Georges Crozier 23 ans Gardien 1/2 US Parisienne
Fernand Canelle (cap) 23 ans Arrière 3/6 Club Français
Henri Moigneu 18 ans Arrière 1/8 US Tourcoing
Eugène Nicolai 20 ans Demi 2/2 United Sports Club
Marius Royet 24 ans Demi 3/9 US Parisienne
Charles Wilkes 23 ans Demi 2/4 Le Havre AC
Raymond Gigot 20 ans Avant 1/1 Club Français
Louis Mesnier 21 ans Avant 3/14 C.A. Paris
Georges Garnier 27 ans Avant 3/3 Club Français
Gaston Cyprès 21 ans Avant 3/6 C.A. Paris
Adrien Filez 20 ans Avant 3/4 US Tourcoing

pour finir...

La rédaction de cet article a nécessité la consultation des sites selectiona.free.fr, RSSSF, Gallica, FFF, Wikipédia, ainsi que des ouvrages « La fabuleuse histoire du football » de Jacques Thibert et Jean-Phlippe Rethacker (Nathan, 1990), « L’intégrale de l’équipe de France de football » de Pierre Cazal, Jean-Michel Cazal et Michel Oreggia (First édition, 1998), « Les 1000 joueurs de l’équipe de France » de Jérôme Bergot (Talent Sport, 2021), « Les Bleus éphémères » de Raphael Perry (Hugo Sport, 2021), « Sélectionneur des Bleus » de Pierre Cazal (Mareuil, 2021), « Le Dico des Bleus » de Matthieu Delahais, Bruno Colombari et Alain Dautel (Marabout, 2017-2018-2022), « Un maillot, une légende » de Bruno Colombari et Matthieu Delahais (Solar 2020), « La grande encyclopédie des diables rouges » de Dominique Paquet et Geert Lambaerts (Kennes, 2022)...

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Attention, votre message n’apparaîtra qu’après avoir été relu et approuvé.

Qui êtes-vous ?
Ajoutez votre commentaire ici

Ce champ accepte les raccourcis SPIP {{gras}} {italique} -*liste [texte->url] <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Générations bleues