Jean Luc Ettori, pied d’argile

Publié le 29 juillet 2025 - Richard Coudrais

Jean-Luc Ettori, qui fête ses soixante-dix ans ce 29 juillet 2025, a gardé les buts de l’équipe de France durant l’épopée espagnole de 1982. Une promotion soudaine et inattendue qui n’a pas été sans difficultés.

5 minutes de lecture

Si Dominique Dropsy s’est installé au poste de gardien titulaire de l’équipe de France, Michel Hidalgo lui cherche un remplaçant. Nous sommes à la fin de l’année 1979 et pour le sélectionneur, l’ère des Rey, Bertrand-Demanes et Baratelli est déjà révolue. Une nouvelle génération de gardiens doit conquérir le poste, parmi lesquels le Lillois Philippe Bergeroo, aperçu en octobre 1979 contre les États-Unis, et le Monégasque Jean-Luc Ettori, appelé pour la première fois à l’occasion du match France-Tchécoslovaquie au Parc des Princes en novembre 1979.

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Le 54e gardien de l’histoire des Bleus

Formé à l’INF Vichy, Jean-Luc Ettori a rejoint Monaco à l’âge de vingt ans, en 1975 (il est né le 29 juillet 1955 à Marseille). Il est la doublure d’Yves Chauveau jusqu’à ce que celui-ci se blesse au début de la saison 1977/1978. Jean-Luc Ettori s’installe dans les buts monégasques et ne les quittera plus pendant dix-sept ans. De taille modeste (1,74 m), mais d’une explosivité rare, il conquiert son premier titre de champion au bout de sa première saison comme titulaire et s’impose parmi les meilleurs gardiens du championnat. Il est même appelé en équipe de France A’ pour un match amical à Rouen contre la Roumanie, ce match maudit des recalés du Mondial argentin.

France-Tchécoslovaquie 1979 est le dernier match du parcours qualificatif des Tricolores. La victoire des Bleus (2-1) n’empêchera pas l’élimination, ni la qualification des tenants du titre pour le tournoi final en Italie. Jean-Luc Ettori a suivi l’intégralité de la rencontre sur le banc. Ce n’est que trois mois plus tard, au cours d’un France-Grèce amical, qu’il devient le 54e gardien de l’histoire de l’équipe de France et son 640e joueur. Le Monégasque de vingt-quatre ans et demi remplace Dominique Dropsy à la mi-temps, alors que les Bleus mènent 2-1. Jean-Luc Ettori préserve sa cage inviolée (score final 5-1) et obtient son statut de doublure pendant trois rencontres, où il n’entre toutefois pas en jeu. La concurrence est rude car le football français ne manque pas de bons gardiens. Tous sont d’un niveau à peu près égal. Le statut de numéro un de Dropsy est régulièrement remis en cause tandis que Bergeroo, Hiard et Tempet envisagent le poste au même titre que Ettori. En outre, le jeune Castaneda émerge et l’expérimenté Baratelli retrouve une seconde jeunesse au Paris Saint-Germain.

Les éliminatoires de la Coupe du monde 1982 ont vu Dropsy céder son poste de titulaire à Castaneda. Hiard a également été appelé, mais c’est Baratelli qui revient en force au moment des matchs de préparation au début de l’année 1982. Le poste est désormais disputé entre le Stéphanois et le Parisien. Or, les deux hommes se retrouvent avec leur club en finale de la Coupe de France, laquelle est disputée, magnifique incohérence du calendrier, le lendemain d’un match de préparation des Bleus. Ce match contre la Bulgarie à Lyon est d’une importance capitale, car il est le dernier que disputent les Bleus avant que le sélectionneur ne dresse sa liste définitive pour la Coupe du monde espagnole. Parisiens et Stéphanois étant indisponibles (ce qui représente huit titulaires absents au bas mot), le sélectionneur appelle un grand nombre de Bordelais et plusieurs Monégasques, tout frais champions de France, parmi lesquels Jean-Luc Ettori, qui décroche alors sa deuxième sélection.

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Le numéro trois qui passe numéro un

Le gardien monégasque garde une nouvelle fois sa cage inviolée et gagne in-extremis sa place pour le Mundial espagnol, après seulement un match et demi en Bleu. À l’approche du tournoi, le suspens reste entier pour savoir qui de Baratelli ou Castaneda gardera les buts contre l’Angleterre le 16 juin 1982 à Bilbao. La surprise est grande lorsque l’on découvre que le lauréat est… Jean-Luc Ettori.

Forcément, les détracteurs sont nombreux à se manifester après la catastrophique prestation du Monégasque dans l’étuve de San Mamès. Jusqu’alors invaincu, le numéro 22 encaisse son premier but après vingt-sept secondes de jeu, exécuté par un Bryan Robson totalement oublié du marquage de la défense bleue. En seconde période, Ettori sort à contretemps sur un centre et voit surgir le même Robson qui lui met son deuxième but de l’après-midi. Plus tard, c’est Marius Trésor qui se troue au bénéfice d’un Paul Mariner qui n’en demandait pas tant.

Une volée de bois vert s’abat sur l’équipe de France, son sélectionneur et son gardien. Si Michel Hidalgo procède à de nombreuses modifications pour le deuxième match face au Koweït, il décide de conserver Ettori dans les buts, en vertu d’un principe selon lequel on ne change pas de gardien en cours de tournoi. Le gardien monégasque participe ainsi à l’épopée tricolore en dépit d’une certaine fébrilité et d’un manque flagrant d’expérience. Il expliquera plus tard qu’il éprouvait des difficultés à se positionner par rapport à une défense qui jouait bas, alors qu’à Monaco il dispose de plus d’espace dans sa surface.

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Quatre buts polonais pour conclure

S’il réalise un bon match lors de la demi-finale de Séville, sa prestation aux tirs aux buts sera de bien piètre qualité. Ettori ne repousse qu’un seul tir, lequel a surtout été raté par Stielike. Le gardien français ne plonge quasiment pas sur les tentatives de Kaltz, Littbarski, Breitner, Rummenigge et Hrubesch. A l’heure des bilans, son nom ressort fréquemment parmi les points faibles d’une équipe qui avait par ailleurs suffisamment de qualité pour remporter la Coupe du monde. Dans un tournoi où les grands gardiens étaient nombreux [1] , Jean-Luc Ettori s’assoit aux côtés du Brésilien Valdir Peres sur le banc des portiers loin d’être à la hauteur de leur équipe.

En dépit de multiples critiques, Jean-Luc Ettori conserve la confiance de Michel Hidalgo au lendemain du Mondial espagnol. Le sélectionneur l’appelle pour le premier match qui suit, une rencontre de rentrée au Parc des Princes contre la Pologne. Une soirée de cauchemar. Alors qu’il est copieusement sifflé par le maigre public du Parc, Jean-Luc Ettori encaisse quatre buts. Le sélectionneur rappellera Jean Castaneda pour le match suivant, tout en conservant Ettori comme numéro deux, puis Jean-Pierre Tempet qui tiendra le poste jusqu’à l’arrivée de Joël Bats au début de la saison 1983/1984. Jean-Luc Ettori sera encore appelé pour le stage de Font-Romeu en décembre 1983, mais on ne le retrouvera plus dans les buts de l’équipe de France. Son naufrage au Parc contre les Polonais restera sa dernière sélection.

Sa carrière est toutefois loin d’être terminée. Peut-être même commence-t-elle vraiment à ce moment-là, à l’instar de ses prédécesseurs Dropsy et Bertrand-Demanes, devenus bien meilleurs après la fin de leur carrière en bleu. Jean-Luc Ettori sera une des figures majeures de l’AS Monaco qui signera quelques intéressantes épopées en Coupes d’Europe. Le club de la Principauté remportera également d’autres titres nationaux, avec un gardien-capitaine qui atteindra la somme de 602 matchs de championnat, battant un record détenu par… Dominique Dropsy (596).

Neuf sélections et dix bancs de touche

Jean-Luc Ettori compte neuf sélections (soit 794 minutes de jeu selon le site FFF), dont huit titularisations, toutes en 1982. Il a encaissé douze buts en neuf rencontres, dont deux penaltys. Par ailleurs, il est resté dix fois sur le banc de touche sans entrer en jeu.

Sel.MatchDateLieuAdversaireScoreTpsJeuNotes
A’ Amical 31/03/1978 Rouen Roumanie 1-0 90
1 Amical 27/02/1980 Paris (Parc) Grèce 5-1 > 46
B Amical 24/03/1981 Caen Pays-Bas B 2-2 90
2 Amical 14/05/1982 Lyon Bulgarie 0-0 90
Préparation 11/06/1982 San Sebastian Real Sociedad 3-1 37 >
3 CM 1982 16/06/1982 Bilbao Angleterre 1-3 90
4 CM 1982 21/06/1982 Valladolid Koweït 4-1 90
5 CM 1982 24/06/1982 Valladolid Tchécoslovaquie 1-1 90
6 CM 1982 28/06/1982 Madrid Autriche 1-0 90
7 CM 1982 04/07/1982 Madrid Irlande du Nord 4-1 90
8 CM 1982 08/07/1982 Séville Allemagne 3-3 (4-5 tab) 120
9 Amical 31/08/1982 Paris (Parc) Pologne 0-4 90

pour finir...

La rédaction de cet article a nécessité la consultation des sites selectiona.free.fr, FFF, Wikipédia, Racing Stub, la relecture d’anciens exemplaires de France-Football, L’Équipe, les Cahiers de L’Équipe, Mondial, Onze, Onze-Mondial... ainsi que des ouvrages « L’intégrale de l’équipe de France de football » de Pierre Cazal, Jean-Michel Cazal et Michel Oreggia (First édition, 1998), « Les 1000 joueurs de l’équipe de France » de Jérôme Bergot (Talent Sport, 2021), « Sélectionneur des Bleus » de Pierre Cazal (Mareuil, 2021), « Le Dico des Bleus » de Matthieu Delahais, Bruno Colombari et Alain Dautel (Marabout, 2017-2018-2022), « Espagne 82, la Coupe d’un monde nouveau » de Bruno Colombari et Richard Coudrais (Solar, 2022), les éditions 1982 de « L’année du football » de Jacques Thibert (Calmann-Levy) et du « Livre d’or du football » de Charles Biétry (Solar).

[1Pour le plaisir : Arconada, Arzu, Dasaev, Fillol, Jennings, Koncilia, Młynarczyk, N’Kono, Pantelic, Pfaff, Quiroga, Shilton, Schumacher, Van Hattum, Zoff…

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