Histoire d’un score : les 3-2 et 2-3 de l’équipe de France

Publié le 27 mars 2024 - Bruno Colombari, Hugo Colombari

C’est la marque des matchs à suspense, avec des renversements à foison et des prolongations dramatiques (Autriche 1934) ou magnifiques (Portugal 1984), des pièges mortels (Israël 1993) et des coups de poker gagnants (Belgique 1981).

6 minutes de lecture
Mise à jour d’un article initialement paru en mai 2021.


Le 3-2 est le score par excellence du retournement, c’est-à-dire lorsque les deux équipes mènent à tour de rôle. Il y a même des doubles retournements, quand le score s’inverse deux fois (1-0, puis 1-2, puis 3-2 par exemple).

Il y a ainsi eu pas moins de 25 retournements de score (sur 39 matchs, soit environ les deux tiers), dont sept doubles retournements. Parmi ces derniers, si trois d’entre eux sont des matchs amicaux, trois autres sont des rencontres qualificatives pour la Coupe du monde ou l’Euro, avec des conséquences lourdes, puisque deux d’entre elles ont entraîné une élimination des Bleus (1949 et 1993). Le plus célèbre double retournement est le seul qui a eu lieu en phase finale (pour un 3-2), contre le Portugal à Marseille en juin 1984. L’équipe de France en a remporté quatre et perdu trois.

Du côté des renversements simples, on compte 12 victoires pour 6 défaites. Mais en phase finale, les Bleus ont ouvert le score avant de perdre à 4 reprises (contre l’Autriche en 1934, la Yougoslavie en 1958, la Pologne en 1982 et les Pays-Bas en 2000), alors qu’ils ont été menés 0-2 par la Belgique avant de retourner le résultat (en 2021 à Turin).

A noter que seulement trois matchs terminés sur le score de 3-2 n’ont donné lieu à aucune égalisation : en 1937 contre les Pays-Bas (2-0, 3-1, 3-2), en 1940 face au Portugal (3-0, 3-2) et en 2003 contre la Turquie (2-0, 2-1, 3-1, 3-2).

Les chiffres clés

 24 victoires par 3-2 depuis 1904 (15 en amical, 9 en compétition dont 5 en phase finale)
 14 victoires 3-2 à domicile, 9 à l’extérieur
 3 victoires 3-2 contre le Portugal et la Belgique
 dernière victoire 3-2 le 26 mars 2024 contre le Chili à Marseille.

 15 défaites par 2-3 depuis 1904 (5 en amical, 10 en compétition dont 4 en phase finale)
 7 défaites 2-3 à domicile, 8 à l’extérieur
 3 défaites 2-3 face à la Yougoslavie
 dernière défaite 2-3 le 23 mars 2018 contre la Colombie à Saint-Denis

Le tout premier : Belgique-France le 21 janvier 1934

Il a fallu 120 matchs aux Français pour voir leur première victoire 3-2. C’était à Bruxelles contre leur adversaire préféré, la Belgique, contre laquelle ils ont gagné deux fois à l’extérieur, en 1907 et 1930 (2-1 à chaque fois). Jean Nicolas ouvre le score d’entrée (3e), mais coup sur coup les Belges égalisent (8e) par Bernard Voorhoof (8e) et prennent l’avantage par Stanley Van den Eynde (11e). Les Tricolores ne se découragent pas et égalisent avant la pause par Emile Veinante (37e) et reprennent l’avantage par Jean Nicolas (54e). Ils pourraient même l’emporter plus largement, mais Liberati, Nicolas et Alcazar voient leurs tirs repoussés par le poteau d’Arnold Badjou. A quatre mois de la Coupe du monde en Italie, voilà une victoire qui fait du bien aux hommes de Gaston Barreau.


Le plus inutile : France-Mexique le 19 juin 1954

Pour cette première Coupe du monde d’après-guerre à laquelle participe la France, le match décisif est le premier contre la Yougoslavie : si les Tricolores sont dans un groupe de quatre, ils ne rencontreront pas le Brésil, tête de série comme eux. Mais ils s’inclinent (0-1) et quand ils retrouvent le Mexique, leurs chances sont infinitésimales car le Brésil l’a emporté 5-0 contre la Verde. Les Français mènent pourtant 2-0 au cours d’un match de très faible niveau, et trouvent moyen de se faire rejoindre à cinq minutes de la fin avant que Kopa ne transforme un pénalty. La déroute profite à Paul Nicolas qui reprend la direction de l’équipe de France, qu’il emmènera, avec Albert Batteux, en demi-finale lors de l’édition 1958.

Le plus palpitant : France-Portugal le 23 juin 1984

C’est aussi sûrement le plus connu de la série. Rappelons le cadre : un Vélodrome en fusion balayé par un Mistral violent, des Bleus qui se connaissent par cœur mais qui s’en remettent à Platini pour marquer (sept fois sur neuf lors du premier tour), Jean-François Domergue qui fête ses 27 ans avec un doublé et un final complètement fou avec une balle de 3-1 pour Néné qui perd son duel devant Bats, Domergue qui égalise au terme d’un coup de flipper et Platini qui frappe dans le but vide après une percée de Tigana. Un des cinq plus beaux matchs de l’histoire des Bleus. Et une première prolongation gagnée, enfin !

Le plus platinien : France-Yougoslavie le 19 juin 1984

A Saint-Etienne, les Bleus sont déjà qualifiés après avoir battu le Danemark et démantibulé la Belgique. Mais ce sont les Yougoslaves qui dominent et qui ouvrent le score par Sestic en première mi-temps. Vexé, Platini sort le deuxième has-trick de sa carrière en Bleu, trois jours après le premier : tir du gauche, tête plongeante, coup franc du droit. En dix-sept minutes. Dragan Stojkovic réduit le score sur pénalty mais Geoffroy-Guichard est debout pour acclamer l’immense Platini.

Le plus à la Pyrrhus : Corée du Sud-France le 26 mai 2002

Mais quelle idée, d’avoir organisé ce match amical à cinq jours de l’ouverture contre le Sénégal, alors même que la préparation des Bleus a été inexistante, qu’ils arrivent en Corée du Sud hors de forme et auraient surtout besoin de repos et de se remettre du décalage horaire avec l’Europe ? Et quelle idée d’aligner Zinédine Zidane, alors que le tout nouveau champion d’Europe avec le Real vient d’assister à la naissance de son troisième garçon (Théo), et a rejoint les Bleus quelques jours plus tard. L’équipe de France ouvre le score par Trezeguet, Park égalise et soudain, catastrophe : Zidane se tient l’arrière de la cuisse gauche. Il sort la tête basse, et ne rejouera que très diminué face au Danemark, lors du troisième match fatal aux Bleus. La suite du match est anecdotique : les Coréens prennent l’avantage avant la mi-temps, Dugarry égalise et Lebœuf donne la victoire aux Français à deux minutes de la fin. La Coupe du monde, elle, est perdue avant même d’avoir commencé.

Le plus visionnaire : France-Belgique le 29 avril 1981

Battus par les Pays-Bas à Rotterdam, les Bleus n’ont pas droit à l’erreur face à des Belges rayonnants. Mais ils font face à plusieurs forfaits, dont Platini et Lacombe. Que fait Michel Hidalgo ? Il aligne un 4-3-3 avec trois attaquants (Rocheteau, Soler et Six) et trois milieux offensifs (Genghini, Tigana et Giresse). Le scénario est fou avec un but d’entrée inscrit par Erwin Vandenbergh (5e), mais les Bleus réagissent et marquent trois buts en 17 minutes par Soler (14e et 31e) et Six (26e) au cours d’une première mi-temps exceptionnelle d’intensité et de vitesse. Ceulemans remettra les Belges à 2-3 en début de seconde période, mais le score ne bougera plus. Les deux tiers du carré magique (on les retrouvera un an plus tard contre l’Autriche en Espagne) ont amorcé la révolution.

Le plus ultramarin : France-Costa Rica le 9 novembre 2005

C’est une idée de Raymond Domenech, et ce n’est pas la pire de ses six années de mandat : emmener en Martinique ses Bleus tout juste qualifiés pour la Coupe du monde en Martinique, pour un amical contre le Costa Rica. Le Stade de Dillon à Fort de France est plein à ras bord pour voir Abidal, Thuram, Wiltord, Malouda, Henry et Anelka. Mais le Costa Rica marque un, puis deux buts (Saborio 14e, Fonseca 41e) et à la mi-temps la tête est gâchée. Alors Anelka réduit le score (49e) et dans une dernière poussée, Cissé égalise et Henry donne la victoire aux Bleus à la 87e. Plus que le résultat, c’est l’initiative qui soude le groupe qui ira huit mois plus tôt en Allemagne, sans Anelka et Cissé.

Le plus cruyffissime : Pays-Bas-France le 25 mars 2016

La veille de cet amical à Amsterdam, Johan Cruyff est mort à 68 ans et les Pays-Bas le pleurent. Il est convenu qu’à la 14e minute, le match sera arrêté et une minute d’applaudissements salueront sa mémoire. Ce qui n’était pas prévu, c’est que la France mènerait alors 2-0 grâce à un coup franc magistral de Griezmann et un but de Giroud suite à une tête de Matuidi sur corner. Alors que les Français rejoignent leur camp, l’hommage commence dans un stade recueilli. Jamais un but français n’avait été autant applaudi à l’extérieur ! Poussés par cette vague émotionnelle, les Orange égalisent par De Jong et Affelay, mais Matuidi donne la victoire aux Bleus à la 87e.


 

Le plus trezegol : France-Islande le 9 octobre 1999

Pour ne pas passer par la case barrages sur la route de l’Euro après une phase qualificative crispante (deux 0-0 contre l’Ukraine, défaite à domicile face à la Russie), les champions du monde doivent battre l’Islande à domicile. Pas la mer à boire, surtout quand le score est déjà de 2-0 à la mi-temps sur un CSC de Dadason et un but de Djorkaeff. Mais en dix minutes au retour des vestiaires, les Bleus n’ont plus que leurs yeux pour pleurer : Sverisson (48e) et Gunnarsson (56) ont remis l’Islande à égalité. Sur un corner de Zidane, Desailly place une tête puissante repoussée par le gardien, et qui traîne par là ? David Trezeguet, qui donne la victoire à vingt minutes de la fin. Comme une bande annonce de son but en or contre l’Italie neuf mois plus tard…

Et côté adverse...

Si le plus lourd de conséquence des 15 matchs perdus sur le score de 2-3 est évidemment le calamiteux France-Israël d’octobre 1993, le plus rageant est sans doute celui de mai 1934 à Turin contre l’Autriche. Face à une des toutes meilleures sélections d’Europe, l’équipe de France joue son premier match de Coupe du monde à éliminations directe, le premier tour ayant été remplacé par des huitièmes et des quarts de finale. Les Bleus font mieux que se défendre, poussent les Autrichiens à la prolongation et s’inclinent finalement 2-3 dans des circonstances discutables. En 1963, face au Brésil du grand Pelé qu’elle accueille pour la première fois, l’équipe de France de Carnus tient tête aux doubles champions du monde et ne s’incline que sur un triplé du Roi. A noter aussi la défaite d’entrée, à Zagreb, de Michel Platini sélectionneur en gabardine en novembre 1988 et celle, quasiment voulue, face aux Pays-Bas à Amsterdam en juin 2000 à l’Euro.

Dataviz : les 3-2 et les 2-3

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