Jouer à Turin

Publié le 22 septembre 2021 - Richard Coudrais

C’est à Turin que la France est opposée à la Belgique pour la phase finale de la Ligue des Nations, une ville où elle déjà joué en quatre occasions. Mais la dernière remonte à 87 ans.

4 minutes de lecture

La dernière fois que l’équipe de France a joué à Turin, c’était en 1934 pour l’une des premières glorieuses défaites de son histoire, le match référence de la génération Mattler. A l’occasion de la deuxième Coupe du monde en Italie, les Tricolores étaient opposés à l’une des meilleures sélections d’Europe, le Wunderteam autrichien et son fameux avant-centre Mathias Sindelar. Alors que leurs adversaires ne devaient en faire qu’une bouchée, les Français ouvrirent le score et contraignirent le redoutable collectif autrichien à disputer une prolongation, la première d’ailleurs de l’histoire de la Coupe du monde.

C’est alors un match dantesque auquel se livrent les Tricolores, tenant tête au Wunderteam malgré un Paul Nicolas blessé. Mais l’expérience des Autrichiens prendra le dessus, avec l’aide de quelques erreurs d’arbitrage indispensables au récit de nos glorieuses défaites. La France s’incline 3-2. Bien que battus et éliminés dès le premier jour, les joueurs français seront accueillis en héros à leur retour dans l’hexagone.

Ainsi Turin est une place forte de l’histoire du foot français, au même titre que Séville, Solna ou Guadalajara, une de ces villes où un jour l’équipe de France réalisa un match exceptionnel. En plusieurs occasions, l’équipe de France avait joué dans la capitale piémontaise, fief des usines Fiat, mais aussi de la Juventus et du Torino.

Campo di Piazza d’Armi

C’est à l’occasion de la troisième confrontation de son histoire contre l’Italie, le 17 mars 1912, que l’équipe de France évolue pour la première fois à Turin. La ville piémonaise accueille d’ailleurs également la squadra nazionale pour la première fois. La rencontre a lieu dans un contexte très tendu, les relations diplomatiques entre les deux pays s’étant sérieusement envenimées depuis un mois. Un navire français, le Manouba, avait été saisi en pleine Méditerranée par l’armée italienne, qui le soupçonnait de transporter des armes pour la Turquie, pays contre lequel l’Italie est engagée dans une guerre. Malgré l’ambiance hostile, les joueurs français remportent leur première victoire contre l’Italie (4-3), Eugène Maës ayant notamment inscrit trois buts.

La rencontre se déroule au Stadio di Piazza d’Armi situé sur la place du même nom au cœur de Turin. C’est le stade du Torino, d’où le nom de “Campo Torino” généralement donné par la FFF pour situer la rencontre. Le club torinese y évolue depuis 1910. Précédemment, le terrain était occupé par la Juventus. La Vecchia Signora y a disputé ses premiers matchs à partir de 1899 et accueilli ses adversaires jusqu’en 1908… hormis une parenthèse de deux ans (1904-1906) au Velodromo Umberto I où elle remporta d’ailleurs son premier titre de championne d’italie (1905).

L’équipe de France aura l’occasion de disputer un deuxième match au Stadio di Piazza d’Armi en mars 1914, perdu 2-0 devant 15.000 spectateurs. “La défense française supporta le poids du match et retarda longtemps l’inévitable défaite, qui garda des proportions honorables en raison du jeu très décousu des Transalpins” résume Pierre Cazal dans son Intégrale de l’équipe de France (1998, First éditions).

Stadio di Corso Marsiglia

En mars 1925, l’italie accueille de nouveau la France à Turin, cette fois-ci au Stadio di Corso Marsiglia. Cela reste un souvenir douloureux pour les Tricolores qui y subissent la plus sévère raclée infligée par les Italiens : 7-0. Ce stade, capable d’accueillir jusqu’à 25.000 spectateurs en les tassant un peu, a été construit en 1922 pour abriter à son tour les rencontres de la Juventus. Il s’agit d’une enceinte très moderne, la première en Italie entièrement construite en béton armé. Elle dispose d’une tribune couverte et d’un éclairage qui lui permet d’organiser des rencontres en nocturne. Elle abrite également des rencontres de tennis. Un quart de finale de Coupe Davis contre l’Inde y a été disputé (et remporté) en 1928.

Le club bianconeri tout juste investi par la famille Agnelli, patronne des usines Fiat, y restera jusqu’en 1933 après y avoir remporté quatre scudetti. Le stade sera ensuite utilisé pour les rencontres de rugby avant d’être abandonné et détruit par les bombardements de juin 1940.

Stadio Benito-Mussolini

En 1933, la Juventus déménage au Stadio Benito-Mussolini, une enceinte ultra-moderne de 65.000 places spécialement construite pour la Coupe du monde 1934, organisée en Italie. C’est dans ce stade que l’équipe de France affronte l’Autriche au premier tour du mondial mussolinien. Il accueillera également le quart de finale entre la Tchécoslovaquie et la Suisse (3-2).

Au lendemain de la guerre et de la chute du régime, le stade situé via Filadelfia sera débaptisé et prendra le nom de Stadio Communale. Il restera l’antre de la Juventus pendant plus de quarante-cinq ans, où le club écrit une grande partie de son histoire. A partir de 1963, la Juve partage le terrain avec son grand rival, le Torino.

Si le Stadio Communale fut le terrain des exploits de Michel Platini, jamais l’équipe de France n’y dispute d’autres rencontres. Cela aurait pu se faire si les Bleus s’étaient qualifiés pour la phase finale du Championnat d’Europe 1980, dont le Communale accueillit trois rencontres. La France aurait aussi probablement joué à Turin dix ans plus tard si elle s’était qualifiée au Mondiale 1990. On peut penser que son statut de tête de série lui aurait permis de jouer dans le flambant neuf Stadio Delle Alpi construit pour l’occasion.

Situé au nord de la ville, ce stade d’environ 70.000 places accueille la Juve et le Torino dès 1990. On y verra briller Zinédine Zidane, Didier Deschamps et David Trezeguet, mais l’enceinte est loin de répondre aux exigences de confort des spectateurs. Très rapidement, elle sera vouée à la destruction.

Juventus stadium

Les deux clubs turinois reviennent ainsi au Stadio Communale en 2006. Celui-ci, qui ne servait plus que pour les entraînements des deux clubs, a été complètement rénové pour servir de stade d’accueil des Jeux Olympiques d’hiver de 2006 - il a d’ailleurs été rebaptisé Stadio Olimpico. Pendant ce temps, le Stadio Delle Alpi est détruit pour faire place à une nouvelle enceinte : le Juventus Stadium. Celui-ci, conçu par les architectes Hernando Suarez, Gino Zavanella et Massimo Majowecki, ouvre ses portes en septembre 2011. Il est doté de 41.000 places et devient le nouveau stade de la Juventus. Le Torino quant à lui est resté au Stadio Olimpico, et a même modifié son nom, Stadio Olimpico Grande Torino, en hommage à la mythique équipe de 1949 disparue dans un crash aérien.

Après avoir été le théâtre de la finale de la Ligue Europa en 2014, le Juventus stadium (qui porte également, et malheureusement, le nom d’un sponsor) accueille en 2021 deux rencontres de la phase finale de la deuxième Ligue des Nations, dont au moins une de l’équipe de France, laquelle retrouve Turin quatre-vingt sept ans après le France-Autriche de 1934. Le stade accueillera également la rencontre pour la troisième place, on espère donc que la France ne jouera, au cours de cette Ligue des Nations, qu’une seule fois à Turin.

Cinq matchs, quatre stades

L’équipe de France a disputé entre 1912 et 1934 quatre rencontres à Turin. Son bilan est d’une victoire pour trois défaites, avec six buts inscrits et quinze concédés.

#GenreDateStadeAdversaireScoreAffluence
26 Amical 17/03/1912 Turin, Campo di Piazza d’Armi Italie 4-3 6.000
35 Amical 29/03/1914 Turin, Campo di Piazza d’Armi Italie 0-2 15.000
64 Amical 22/03/1925 Turin, Stadio di Corso Marsiglia Italie 0-7 15.000
125 CM T1 27/05/1934 Turin, Stadio Benito-Mussolini Autriche 2-3 (ap) 16.000
874 LdN 07/10/2021 Turin, Juventus Stadium Belgique

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Hommage à Pierre Cazal