Nul et vierge : brève histoire des 0-0

Publié le 13 octobre 2020 - Bruno Colombari - 2

Inexistant jusqu’à la fin des années 1930, le 0-0 est resté longtemps un score rare jusqu’au milieu des années 1970. Il y en a désormais un peu plus d’un par an. Mais ils sont beaucoup plus fréquents en phase finale, et ce depuis 1996.

4 minutes de lecture
Mise à jour d’un article initialement paru en octobre 2020.


Les Anglais appellent ça un goalless draw, chez nous ce serait plutôt un nul et vierge. Au niveau international, il est vrai que l’Angleterre a précédé la France de plus d’un demi-siècle, puisque le premier 0-0 des Trois Lions date du 30 novembre 1872 contre l’Ecosse, à l’occasion du tout premier match opposant deux sélections dans l’histoire du football.

Parce qu’elle encaissait des buts par paquets de six, l’équipe de France des premiers temps, jusqu’en 1914, n’a jamais fait de 0-0. Avec seulement trois clean-sheets (pas de but encaissé) lors de ses 36 premières sorties, elle aurait eu du mal, d’autant qu’elle n’a fait que 4 nuls dans cette période.

Après la Grande Guerre, toujours pas de 0-0, même si lors de la Coupe du monde 1930, lors du deuxième match contre l’Argentine, rien n’est marqué jusqu’à neuf minutes de la fin. Mais Luis Monti transformait un coup franc de trente mètres qui battait Alexis Thépot et éliminait les Bleus.

Le premier 0-0 au 144e match, en 1937

Il faudra attendre un France-Italie du 5 décembre 1937, le 144e match de l’histoire de la sélection, pour voir le premier score nul et vierge, en grande partie grâce aux exploits du gardien français Laurent Di Lorto, porté en triomphe après le coup de sifflet final.

Des France-Italie à 0-0, il y en aura trois autres. Un en mars 1966, toujours au Parc, pour préparer la Coupe du monde en Angleterre, contre le trio Riva-Rivera-Mazzola, le deuxième en juillet 1998, en quart de finale de la Coupe du monde au Stade de France, et le dernier à Milan, en septembre 2007.


 

C’est l’un des quatre adversaires contre lesquels les Bleus ont fait quatre 0-0, les suivants étant la Belgique (1957, 1975, 2011 et 2013), la Suisse (1958, 2005, 2006 et 2016) et l’Uruguay (2002, 2008, 2010 et 2012).

A l’inverse, il n’y a eu qu’un seul 0-0 face à l’Espagne (en 1963) au Brésil (en 2004), la Suède (en 1998), la Bulgarie (1982) et le Portugal (2020). Mais aucun face à l’Autriche (en 24 oppositions), l’Ecosse (22) et la Hongrie (22).

Si les 0-0 en amical sont assez peu nombreux (30), ils sont plus fréquents en compétition (34), surtout dans la période récente. Le premier date du 27 octobre 1957 contre la Belgique à Bruxelles. En phase finale, il n’y en a eu aucun lors des 48 premiers matchs du genre, que ce soit lors des JO (entre 1908 et 1928), en Coupe du monde (entre 1930 et 1986) ou en championnat d’Europe (entre 1960 et 1984).


 

Le tout premier arrive lors du 50e match, au premier tour de l’Euro 1992 face à l’Angleterre à Malmö. C’est le début d’une mauvaise habitude, puisque entre 1992 et 2018, l’équipe de France va jouer 64 matchs de phase finale européenne ou mondiale, et en terminera 11 sur le score de 0-0.

Un 0-0 à chaque Coupe du monde depuis 1998

En Coupe du monde, ces matchs sans but tombent avec la régularité d’une horloge atomique, un par édition : contre l’Italie en 1998 (quart de finale, victoire aux tirs au but), l’Uruguay en 2002, la Suisse en 2006, l’Uruguay encore en 2010, l’Equateur en 2014 et le Danemark en 2018, ces cinq derniers au premier tour.

A l’Euro, c’est plus aléatoire : après celui contre l’Angleterre en 1992, il y en a eu deux en 1996 (Pays-Bas puis République tchèque) en quart et en demi-finale, un en 2008 (Roumanie) et un en 2016 (Suisse), ces deux-là au premier tour.


 

11 sur 64, c’est vraiment beaucoup (presque un tous les six matchs), alors que sur la même période, il y en a eu 39 sur 358, ce qui fait un ration d’environ un sur neuf.

Deschamps comme Domenech, mais avec plus de matchs

La période actuelle, celle de Didier Deschamps sélectionneur, n’est pas particulièrement marquée par les 0-0. Il y en a eu 11 en 104 rencontres, ce qui en valeur absolue est équivalent au record du genre détenu par Raymond Domenech, mais lui n’a eu besoin que de 79 matchs pour l’atteindre. Deschamps est dans les temps de passage de Roger Lemerre (5 sur 53), d’Aimé Jacquet (6 sur 53) ou de Michel Platini (3 sur 29). Mais il est loin de ceux de Jacques Santini (2 sur 28), Michel Hidalgo (5 sur 75) ou Georges Boulogne, pourtant adepte du béton (1 sur 31).

Tous les 0-0 ne se valent pas, évidemment. Un score nul et vierge en amical est sans importance, mais il peut constituer une bonne performance selon le niveau de l’adversaire : celui de 1937 contre l’Italie, sur lequel je reviendrai prochainement, en est une. De même, celui de juin 1977 à la Bombonera contre l’Argentine future championne du monde a été aussi une étape importante dans la progression de la jeune équipe de Michel Hidalgo.

En compétition, il y a aussi de bons et de mauvais 0-0. Dans la première catégorie, on peut classer le quart de finale contre l’Italie en 1998, le match de Milan, toujours contre l’Italie, en septembre 2007, ou encore l’Allemagne-France de septembre 2018 en Ligue des Nations. Dans la deuxième, les matchs du premier tour de la Coupe du monde 2006 (Suisse) et de l’Euro 2008 (Roumanie) sont clairement des purges, sans oublier bien sûr le soporifique France-Danemark de juin 2018 à Moscou.


 

Il y en a même qui ont servi de point de départ à une belle carrière en Bleu, et le hasard fait que j’ai été dans une tribune du Parc pour assister à deux d’entre eux : Jean-Pierre Papin le 26 février 1986 contre l’Irlande du Nord, et Didier Deschamps le 29 avril 1989 contre la Yougoslavie. Après eux, on peut aussi citer Nicolas Anelka en Suède le 22 avril 1998, et bien longtemps avant, le gardien stéphanois Claude Abbes le 27 octobre 1957 en Belgique ou l’attaquant bastiais Jacques Zimako le 26 juin 1977 contre l’Argentine.


 

Si les internationaux ayant joué le plus de 0-0 se trouvent parmi ceux qui comptent le plus de sélections (Thuram 16 fois, Henry 15, Blanc 14), les deux centenaires actuels s’en rapprochent : Lloris en est à 12 et Giroud à 11. Six internationaux n’ont eu qu’une seule cape, et c’était à l’occasion d’un 0-0 (pas de chance) : Bernard Chiarelli en 1958, Charles Orlanducci en 1975, Patrice Garande en 1988, Steve Savidan en 2008 et le duo Benoît Costil-Sébastien Corchia en 2016.

A l’inverse, le joueur comptant le plus de sélections sans avoir jamais connu de 0-0 est Jules Devaquez, 41 matchs joués entre 1920 et 1929.

Dataviz : la répartition des matchs nuls par score

Dans cette dataviz, sont mis en évidence tous les matchs nuls de l’équipe de France depuis 1904 avec une nuance de gris différente par score. Les victoires et défaites sont indifférenciées. En survolant chaque pastille, vous découvrez la date du match, l’adversaire et le score.

Vos commentaires

  • Le 13 octobre 2020 à 10:30, par RIchard Coudrais En réponse à : Nul et vierge : brève histoire des 0-0

    On notera que Raymond Domenech a toujours commencé ses phases finales par un 0-0 : Suisse 2006, Roumanie 2008, Uruguay 2010. Et que Didier Deschamps est lancé sur une série similaire sur le troisième match du premier tour (Équateur 2014, Suisse 2016, Danemark 2018... Portugal 2021 ?). On peut même ajouter qu’Aimé Jacquet a toujours fait 0-0 en quarts de finale (avec TAB favorables).

  • Le 13 octobre 2020 à 10:57, par Bruno Colombari En réponse à : Nul et vierge : brève histoire des 0-0

    En effet. Ce qui voudrait dire que le prochain France-Portugal de l’Euro, positionné en troisième match du premier tour, finira par un 0-0.

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