Après avoir étudié, parmi les 18 prolongations jouées par l’équipe de France depuis 1934, celles où les Bleus avaient ouvert le score, voyons maintenant celles, moins fréquentes, où c’est l’équipe adverse qui a marqué en premier. C’est arrivé cinq fois, deux fois à l’Euro, deux fois en Coupe du monde, et une fois en barrage. Mais jamais pendant la période où le but en or a été en activité (entre 1996 et 2003). Ce qui veut dire qu’à chaque fois, les Bleus ont eu l’occasion d’égaliser, voire de renverser le score. Une opportunité qu’ils ont peu utilisée, puisqu’ils ont égalisé deux fois sur cinq, et ont renversé le score une seule fois.
France-Autriche, 27 mai 1934 : trois buts, pas de changement
Après une première Coupe du monde plutôt correcte en Uruguay, l’équipe de France tombe d’entrée sur du lourd en Italie. Le premier tour a été remplacé par des huitièmes de finale qui ne laissent aucun droit à l’erreur, et l’adversaire est l’une des meilleures équipes européennes, même si elle a entamé son déclin. L’Autriche dirigée de main de maître par Hugo Meisl et animée par son meneur de jeu Matthias Sindelar fait peur. Mais à Turin, dans un stade très peu rempli, ce sont les Français qui ouvrent le score par Jean Nicolas dès la 18e minute. Sindelar égalise juste avant la mi-temps, plus rien n’est marqué par la suite, prolongations, les toutes premières en Coupe du monde, et bien sûr dans l’histoire des Bleus, à leur 125e match joué.
Elles ne peuvent pas plus mal commencer avec un but autrichien malgré un hors-jeu flagrant d’Anton Schall, non signalé par le juge de touche et validé par l’arbitre, alors qu’Alexis Thépot, le gardien français, s’était arrêté de jouer. Les Tricolores sont furieux et encaissent un troisième but signé Josef Bican, avant de réduire le score sur un pénalty de Georges Verriest, alors qu’une grosse faute du même Bican sur Fritz Keller quelques minutes avant n’avait pas été sifflée. Premières prolongations perdues, donc, mais la tête haute.
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L’Auto du 28 mai 1934 (BNF, Gallica)
Yougoslavie-France, 11 décembre 1949 : un but, pas de changement
Pour obtenir une place qualificative pour la Coupe du monde 1950, l’équipe de France rencontre la Yougoslavie en deux matchs, aller-retour, en octobre 1949. Les deux s’achèvent sur le score de 1-1. Un match de barrage (on dit alors un match d’appui) est joué à Florence, sur terrain neutre, le 11 décembre. Et là encore, les deux équipes se répondent immédiatement. L’équipe de France égalise par Marius Walter (13e) puis prend l’avantage par Jean Luciano (83e), mais les Yougoslaves ouvrent le score par Prvoslav Mihajlovic (12e) et égalisent par le même (84e).
Il faut donc disputer des prolongations et à six minutes de leur terme, alors que la nuit tombe dans un stade sans éclairage où les spectateurs enflamment des journaux, un centre-tir de Cajkovski quasiment sans angle est dévié par le gardien français Ibrir au-dessus de la tête de Roger Marche, replié sur la ligne et lobé. La France espère être repêchée en cas de forfait d’une des équipes qualifiées, et ce sera le cas au printemps 1950. Mais la FFF finira par jeter l’éponge, au prétexte de distances trop longues à parcourir au Brésil lors du premier tour.
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L’Equipe du 12 décembre 1949 (BNF, Gallica
France-Portugal, 23 juin 1984 : trois buts, un changement français
L’élimination surprise de la RFA au premier tour a offert aux Bleus une demi-finale inattendue à Marseille : le Portugal de Fernando Chalana, révélation continentale de cet Euro. Sur le papier, la victoire de l’équipe de France ne fait pas beaucoup de doutes, mais les errements défensifs contre la Yougoslavie lors du match précédent (3-2) inquiètent quand même un peu. A partir du but de Jean-François Domergue en première mi-temps, la domination des Bleus est très nette et les occasions pleuvent sur la cage de Bento. Mais rien ne rentre, et c’est Jordao qui égalise de la tête et déclenche les prolongations.
Le premier quart d’heure est catastrophique, avec un sauvetage de Bats sur une tête de Nené, un nouveau but de Jordao et une ouverture parfaite de Chalana sur Nené qui se présente devant Joël Bats, lequel gagne encore un duel décisif. Les dernières minutes sont asphyxiantes, et alors qu’on commence à se résigner, un cafouillage dans la surface est réglé par Jean-François Domergue, auteur d’un doublé pour son 27ème anniversaire. Encore des tirs au but, comme à Séville deux ans plus tôt ? Tigana n’en veut pas, et il transperce la moitié de terrain portugaise pour venir déposer un amour de centre en retrait que Platini prend le temps de contrôler avant de frapper au milieu de la cage malgré deux Portugais repliés sur la ligne. C’est à ce jour le but le plus tardif de l’histoire des Bleus, marqué à la 119e minute.
Portugal-France, 10 juillet 2016 : un but, un changement français
Il était dit que rien ne se passerait comme prévu dans cette finale qui semblait être sur mesure pour les Bleus : à domicile, comme en 1984, 1998 et 2003, toutes remportées, après une victoire sur le champion du monde en titre à Marseille, et contre le Portugal, battu dix fois sur dix depuis 1978. Comme si ça ne suffisait pas, Cristiano Ronaldo sortait sur blessure à la 25e après un choc au genou contre Dimitri Payet. Mais ce fait de jeu allait souder encore plus les Portugais et déstabiliser des Français usés physiquement et sans réussite devant. Rien n’est marqué en première mi-temps, rien non plus en seconde, malgré une énorme occasion dans le temps additionnel, André-Pierre Gignac crochetant Rui Patricio et Pepe dans la surface avant de frapper sur le poteau.
Dès lors, les Portugais se sont dit qu’il ne pouvait rien leur arriver, et après un coup franc de Guerreiro repoussé par Lloris sur sa barre, c’est Eder, entré en fin de match, qui frappe de 25 mètres et trouve enfin la faille. A la 109e minute, les Bleus n’ont plus les ressources pour aller chercher l’égalisation, malgré l’entrée en jeu d’Anthony Martial.
Argentine-France, 18 décembre 2022 : deux buts, cinq changements argentins, trois changements français
Le précédent France-Argentine de 2018 avait été très spectaculaire, celui-là le sera tout autant, même si les Bleus de 2022 passent les trois quarts du temps réglementaires à courir derrière un ballon insaisissable et un score très vite compromis. Mais Didier Deschamps sort quatre joueurs prématurément, dont trois champions du monde (Giroud, Dembélé et Griezmann, suivis par Théo Hernandez), Kylian Mbappé égalise en moins de deux minutes et cette 22e finale mondiale ira en prolongations.
Celles-ci sont une véritable partie de poker, avec le nombre record de huit changements : cinq côté argentin et trois côté français. En effet, les sélectionneurs disposent d’un remplacement supplémentaire avec les prolongations, et Didier Deschamps peut activer un septième changement avec le protocole commotion, Adrien Rabiot ayant été touché à la tête en fin de match. Au milieu de toutes ses rotations, Lionel Messi inscrit un troisième but argentin à la 108e, et Mbappé y répond encore une fois, sur pénalty, à la 118e. Mais les deux équipes jouent les dernières minutes à fond : un centre de Mbappé est manqué de la tête par Kolo Muani et frôle le poteau de Martinez, le même Kolo Muani voit son face-à-face perdu contre le gardien argentin, et sur l’attaque qui suit, un centre de Dybala est repris de la tête par Lautaro Martinez, juste à côté. Mbappé aura encore le temps de tenter un slalom dans la surface argentine, mais il sera contré deux fois et le ballon dégagé en touche.
Pour la deuxième fois (après 1982), une prolongations avec des buts ne départage personne, et la séance de tirs au but devra désigner le 22e champion du monde de l’histoire (une aberration, alors que le match pourrait très bien être rejoué). Les Français, qui ont perdu les deux dernières fois dans cet exercice (en 2006 et 2021) y vont tête basse, sachant que deux de leurs trois spécialistes sont déjà sortis (Giroud et Griezmann). On connaît la suite. Les prolongations, il est préférable de les gagner.