En attendant la nomination du seizième sélectionneur des Bleus (depuis 1964 et le remplacement du comité de sélection par un technicien unique), voici comment se positionnent les deux ans de mandat de Laurent Blanc par rapport à ses prédécesseurs.

Les jours les plus longs

Entre le match amical à Oslo le 11 août 2010 et l’élimination à Donetsk le 23 juin 2012, Laurent Blanc aura donc dirigé les Bleus pendant 682 jours (dans ce bilan, on décompte le mandat d’un sélectionneur entre le premier et le dernier match dirigé et non pas entre la date de nomination et la date de démission ou de fin de contrat). Seuls six sélectionneurs ont duré moins longtemps, Jacques Santini (pour six jours), Gérard Houllier, et bien avant eux Stefan Kovacs au début des années 70, Louis Dugauguez à la fin des années 60 et trois intérimaires, le duo Snella-Arribas et Just Fontaine.

On constatera que la durée la plus fréquente tourne autour de quatre ans (soit un peu plus de 1400 jours) : c’était le cas pour Georges Boulogne, Henri Michel, Michel Platini, Aimé Jacquet et Roger Lemerre. Les mandats plus longs sont très rares : les huit années de Michel Hidalgo (1976-1984) ne sont pas prêtes d’être dépassées, les six ans de Raymond Domenech (2004-2010) représentant pour l’instant une limite haute. Le prochain sélectionneur partirait plutôt pour quatre ans, ce qui le mènera à l’Euro 2016. Une victoire à celui-ci pourrait toutefois l’inciter à prolonger de deux ans, jusqu’à la coupe du monde en Russie.

Dépôts de bilan

Voyons maintenant le bilan général des quinze sélectionneurs. C’est évidemment une donnée qui ne dit rien des résultats obtenus : les chiffres de Jacques Santini sont de loin les meilleurs, mais de près, on constate qu’hormis une coupe des Confédérations à domicile et une phase qualificative bien maîtrisée (dans un groupe facile), les résultats sont décevants avec un quart de finale européen perdu face à la Grèce.

A contrario, le bilan réel de Michel Hidalgo est bien meilleur que ne le disent les données brutes : malgré 18 défaites, son équipe a remporté un Euro et disputé une demi-finale mondiale, sans compter des résultats probants en match amical contre des adversaires de prestige.

Pour affiner l’analyse, regardons maintenant les résultats obtenus en compétition (phases qualificatives et phases finales). Débarrassé des matches amicaux, le bilan par sélectionneur révèle autre chose. Ainsi, Laurent Blanc présente-t-il un résultat à peine en équilibre sur les matches à enjeu (la moitié de victoires) avec trois défaites sur quatre. Même chose pour Raymond Domenech, qui sur sept défaites en compétition en compte quatre en phase finale.

Le bilan d’Aimé Jacquet est quant à lui impressionnant, avec aucune défaite, mais un nombre de matches en compétition plutôt bas (22 sur 53). Michel Hidalgo fait pour sa part aussi bien en amical qu’en compétition, alors qu’Henri Michel a perdu trois fois plus souvent dans les matches à enjeu (6) qu’en amical (2).

Chercheurs d’or

Dernier point intéressant (il y en aurait bien d’autres, mais on va s’arrêter là), le nombre de joueurs utilisés, et parmi eux, les nouveaux internationaux. On voit tout de suite que Michel Hidalgo, avec un nombre de match quasiment équivalent à Raymond Domenech (75 contre 79) a fait appel à vingt joueurs de plus (à une époque où deux remplaçants étaient autorisés en compétition). Et 72% de ses sélectionnés ont débuté sous ses ordres, une proportion équivalente à celle de Stefan Kovacs et largement supérieure à celle de Roger Lemerre (45%) ou d’Henri Michel (48%), sans même parler de Jacques Santini (35%). Aimé Jacquet et Raymond Domenech (59%) ont fait beaucoup d’essais, tout comme Georges Boulogne (55%).

Lauren Blanc, quant à lui, a fait moins d’essais qu’on pourrait le penser : 21 joueurs sur 46 utilisés (soit exactement de quoi faire deux listes de 23). Sur ces 21 joueurs, quelques uns ont fait leur place parmi les titulaires, comme Yohan Cabaye, Adil Rami et Mathieu Debuchy, voire Yann M’Vila. Mais pour ceux-là, combien ont disparu ? On citera Charles N’Zogbia, Stéphane Ruffier, Kevin Gameiro, Guillaume Hoarau, Maxime Gonalons, Florent Sinama-Pongolle, Jérémy Mathieu… 

Raymond Domenech avait lancé Eric Abidal, Florent Malouda, Franck Ribéry ou Karim Benzema. Jacques Santini avait donné le premier leur chance à William Gallas, Philippe Mexès ou Sidney Govou. Avec Roger Lemerre, on citera Sylvain Wiltord et Willy Sagnol. Aimé Jacquet, lui, avait eu beaucoup de chance, avec Zinedine Zidane, Lilian Thuram, Thierry Henry, Patrick Vieira, Fabien Barthez, David Trezeguet ou Nicolas Anelka.

Avant lui, Gérard Houllier a fait preuve d’un flair indiscutable en lançant Marcel Desailly, Bernard Lama, Bixente Lizarazu, Christian Karembeu et Youri Djorkaeff, soit cinq futurs champions du monde sur seize nouveaux appelés. Pas mal !

Michel Platini avait vu juste aussi avec Emmanuel Petit (même s’il s’est vraiment révélé qu’en 1997), Laurent Blanc et Didier Deschamps. Henri Michel a plutôt vécu sur l’héritage de Michel Hidalgo, ne découvrant que Jean-Pierre Papin et Eric Cantona (qui le lui a mal rendu). Le grand défricheur, c’est évidemment Michel Hidalgo, porté par la génération 1955 : Michel Platini, Maxime Bossis et Jean Tigana, mais aussi Didier Six, Joël Bats, Patrick Battiston, Luis Fernandez, Manuel Amoros, Yannick Stopyra, Bernard Genghini...

Pour autant, il ne faut pas négliger le travail préalable fait par Stefan Kovacs (Dominique Bathenay, Gérard Janvion, Dominique Rocheteau, Christian Lopez, Alain Giresse, Bernard Lacombe) et par Georges Boulogne (Dominique Baratelli, Marius Trésor).

Allez, un petit bonus pour la route : les résultats détaillés (et dépliables) des quinze sélectionneurs, extraits du grand tableau des matches.